La quantité d’air expulsée dans votre instrument va influencer votre jeu instrumental.

Dans cet article, nous allons comparer 2 techniques :

  • La première, que j’appellerai « jouer en soufflant » ou “jeu de la langue à plat” (Guyot, 1994), correspond à la même quantité d’air qui s’échappe lorsqu’on souffle des bougies sur un gâteau. 
  • La deuxième, « jouer avec l’air du chant », ou “jeu de la langue collée” (Guyot, 1994) correspond à la quantité d’air comparable à celle qui permet la phonation, ou lorsqu’on chante un son.

Lorsque nous regardons le nombre important d’instrumentistes de la famille des cuivres dans le monde, nous serions amenés à penser qu’il n’y a pas juste deux façons de « souffler » dans une trompette, mais bien plus ? Oui et non. 

  • Oui, car si on pouvait quantifier l’air déplacé, nous verrions que tout le monde ne génère pas la même quantité. Vous pouvez souffler sur vos bougies avec plus d’air que votre collègue ou inversement.
  • Non, car mis à part souffler avec plus ou moins d’air et chanter dans son instrument, cela reste tout simplement une expiration dans les deux cas.

Avant d’approfondir plus en détail la première technique instrumentale, c’est-à-dire, jouer en soufflant, il est important de parler de la colonne d’air de l’instrument et de la vibration des lèvres.

La colonne d’air d’un cuivre:

La colonne d’air d’un cuivre est constituée d’une section conique (queue et branche d’embouchure), d’une section cylindrique (coulisses d’accord) et d’un pavillon en partie conique et en partie évasé (Benade, 1986). Un cuivre est fabriqué dans un tube majoritairement en laiton, qui contient déjà de l’air grâce à ces deux ouvertures au niveau du pavillon et de l’embouchure. 

Quand l’air expulsé des poumons du musicien se déplace dans le tuyau, cela provoque une vibration dans la colonne d’air de l’instrument. Cette vibration qui va faire plusieurs aller-retours, se déplace à la vitesse du son. Si la colonne d’air est grande, la vibration va faire peu d’aller et retours, la fréquence est basse et donc la note sera grave. Inversement, si la colonne d’air est réduite, par exemple en appuyant sur un piston qui modifiera la longueur de la colonne d’air, la vibration va faire plus d’aller-retours, la fréquence sera plus élevée et donc la note sera plus aiguë (Benade, 1973).

La vibration des lèvres :

Quelle que soit la technique utilisée, pour obtenir un son, il faut une vibration. L’air que l’on expire s’accumule derrière les lèvres qui fonctionnent comme une valve commandée par la pression. Si la pression dépasse la tension des lèvres, celles-ci vibrent et par conséquent met en vibration la colonne d’air de l’instrument, ce qui produit le son. C’est pour cela que si je pince trop mes lèvres, il va me falloir mettre beaucoup de pression derrière celles-ci pour qu’elles commencent à vibrer. Il est donc primordial que les lèvres restent en contact tout en étant toniques et non contractées pour qu’elles puissent vibrer. Pourtant, que se passe-t-il si je souffle ? Eh bien, les lèvres s’ouvrent, ne sont plus en contact et donc ne peuvent plus vibrer. Souvent, le premier réflexe ou le premier conseil que l’on va vous donner est de pincer trop fortement les lèvres pour les garder en contact.

C’est la technique qui va solliciter le plus les muscles labiaux et qui à court, moyen ou long terme, va également limiter l’instrumentiste dans différents aspects techniques de l’instrument comme la qualité de la sonorité, l’endurance, l’aigu ou encore l’articulation. Lorsque nous soufflons, une grande quantité d’air s’échappe, abaisse la langue qui ne peut plus jouer son rôle de maintien de la pression, comme lorsqu’on siffle par exemple. D’ailleurs, il est impossible de siffler en soufflant. L’air va donc arriver brut au niveau des lèvres où s’exerce la pression. Nous aurons alors une sensation de résistance, surtout dans le registre aigu, où s’ajoute une autre pression, l’appui de l’embouchure sur les lèvres. Cela affecte par conséquent l’endurance et nous obtiendrons une sonorité pincée entre autres.

La deuxième technique, « jouer avec l’air du chant »: lorsqu’elle est bien employée, elle va nous amener à jouer avec facilité, développer notre aigu, améliorer notre rapidité d’articulation, notre sonorité, etc. Robert Pichaureau, un pédagogue hors pair, s’est intéressé aux nouvelles techniques apportées par les musiciens américains dans les années 40 qui pouvaient jouer des notes suraiguës pendant des heures et a fait de cette approche, sa pédagogie (Pichaureau, 1997). Si nous analysons de plus près cette technique, nous remarquons que la quantité d’air qui s’échappe lorsqu’on chante est minime si on la compare au souffle. Ce qui permet à la langue de rester collée presque sans effort au palais. Elle peut donc maintenant jouer son rôle en gardant une pression constante jusqu’au passage de l’air entre les lèvres un peu à la manière du pouce qui pince le bout d’un tuyau d’arrosage. Dans cet exemple, le débit d’eau est constant, mais l’eau au bout du tuyau est projetée plus loin grâce à la pression du pouce sur l’embout.

Il n’est pas rare d’entendre qu’il faut « jouer avec de l’air chaud » ou « jouer d’un cuivre, c’est comme chanter ». Ces deux affirmations ont du sens. Pourtant, si nous reprenons nos deux techniques, souffler va laisser échapper un air froid, alors que la phonation, un air chaud. D’ailleurs, soufflons-nous pour chanter ?  C’est impossible, puisque comme les lèvres, cela aurait pour conséquence d’écarter les cordes vocales essentielles à l’émission du son. Il y a certes un déplacement d’air lors du chant, mais rien de comparable à la technique du souffle.

Conséquences possibles d’utilisation de la technique du souffle :

  • Une contraction du diaphragme, de la gorge et/ou des lèvres;
  • une limitation dans le registre aigu;
  • une émission dans le grave précédé d’un souffle;
  • une endurance réduite;
  • une articulation trop prononcée et un coup de langue imprécis et lent;
  • un besoin de pratiquer plus pour solidifier les muscles labiaux;
  • Etc.

La technique de l’air du chant, va par contre nous permettre d’optimiser tous les points cités précédemment.

Pour conclure, il est donc recommandé de penser à chanter dans son instrument plutôt que de souffler. 

Références

Bénade Arthur H. (1973). Notions préliminaires d’acoustique. Cleveland (Ohio: Case Western Reserve University

Bénade Arthur H. (1986), Intéractions entre colonne d’air, anche et voies respiratoires du musicien dans les instruments à vent, in Vocal fold physiology : biomechanics, acoustics and phonatory control, Denver center for performing arts, Editions Titze & Scherer, 1986

Bouasse, H (1929). Instruments à vent – Volume 1. Paris : Librairie Delagrave

Guyot, J.F. (1994). Pressions de l’embouchure sur les lèvres des trompettistes en fonction de leur technique instrumentale – Volume 8. Médecine des arts, 11

La leçon de trompette de Robert Pichaureau (1997). Consulté le 1er mai 2021, depuis: http://la.trompette.free.fr/Pichaureau/Avant-propos.htm